Venez faire la Fête à Pigou, le 1er juillet prochain

Parmélie des murailles (Xanthoria parietina), un lichen dont l'analyse permet de mesurer certains polluants de l'air. Photo FreeBigPictures.comAu fait, pourquoi donc la « Fête à Pigou » ? C’est qui, ce Pigou ?

Né en 1877 en Angleterre et mort en 1959, Arthur Cecil Pigou est surtout connu des économistes pour son ouvrage « L'économie du bien-être » (The Economics of Welfare) paru en 1920. Il y développe le concept d'externalité proposé en 1890 par son professeur Alfred Marshall.

Une externalité, ou effet externe, est la conséquence d’une défaillance du marché. Quand un agent économique est payé pour un produit qu'il a réalisé, le marché ne prend pas en compte les avantages ou les inconvénients qui sont liés à cette production et qui touchent d'autres personnes que les parties concernées. Il en résulte une divergence entre ce que reçoit l'agent pour couvrir ses dépenses et son travail (le coût privé) et le coût réel de cette action (le coût social). La pollution de l'air induite par un moteur à explosion ou une usine est l'exemple-type d'une externalité négative, dans laquelle le coût privé de la production et de l’utilisation de machines est plus faible que leur coût social.

Pour Pigou, le marché n’est pas apte à corriger l’écart entre coût privé et coût social. C'est à l’État de le faire. Soit en pénalisant les préjudices liés à l'action économique par des incitations fiscales (des taxes, d'où le terme de taxe Pigou ou taxe pigouvienne), soit en récompensant les bénéfices sociaux indirects de l'action grâce à des déductions fiscales.
 

Une conception déresponsabilisante

Le problème majeur de la conception « pigouvienne » est qu'elle déresponsabilise complètement les acteurs économiques. Ils préféreront la plupart du temps intégrer les taxes ou les gratifications liées à leurs effets externes, en les répercutant sur leurs prix, plutôt que d'agir sur les causes de ces effets ou leur réparation en investissant dans des mesures adéquates par la prévention, la recherche, l'innovation ou une organisation plus efficace. Vous pouvez continuer à dégrader l'environnement en toute bonne conscience une fois que vous avez payé votre taxe, jusqu’à la prochaine, puisque vos prix en tiennent compte !

Aujourd'hui, la taxe Pigou se retrouve dans différentes taxes proposées pour protéger l'environnement via le principe pollueur-payeur, dont la taxe carbone. Et les débats sont toujours vifs quand il s'agit de mesurer leur efficacité pour réduire les pollutions, notamment les émissions de gaz à effet de serre, compte tenu des inégalités qu'elles peuvent induire entre les acteurs si elles s'appliquent indistinctement (voir les Gilets jaunes), et de l'utilisation (malheureusement souvent peu transparente) que l'on fait des revenus ainsi engendrés.

La Fête à Pigou du 1^er juillet prochain sera ainsi l’occasion à la fois de reconnaître les mérites d’Arthur Pigou, pionnier dans la pensée d’une économie prenant en compte l’environnement, et de lui « faire sa fête » en discutant une conception qui conduit à intégrer les externalités sans traiter leurs causes et toutes leurs conséquences.

La Fête à Pigou permettra de discuter de voies nouvelles : repenser la place du vivant dans l’économie, imaginer d’autres façons d’intégrer les coûts écologiques et sociaux de nos activités, aller beaucoup plus loin que la simple compensation des effets de la production et de la consommation en faisant en sorte qu’elles deviennent les partenaires contributifs d’écosystèmes et de ressources plus durables et résilients, garants de l’équilibre des sociétés humaines.

La Fête à Pigou, ce seront aussi des ateliers de partage d’expériences, et des interventions artistiques décapantes qui nous feront revisiter notre part d’animalité, comme pour réintégrer symboliquement la société dans le monde vivant.